Les peintures décoratives du château comtal de Damazan – par Hélène Heurtebise
02/08/2019 Administrateur Comments ClosedL’attraction manifeste qu’exerce l’histoire sur le public, comme en témoigne le succès des journées européennes du patrimoine, est corroborée par le fleurissement des demandes de classement de sites au patrimoine mondial de l’Unesco, marquant la prise de conscience par les individus et les institutions de la valeur collective du patrimoine matériel et immatériel en tant que bien commun présent et futur.
Le 2 octobre 2010, la journée foraine de la Société Académique, consacrée à Damazan et à son canton, dont cette commune était alors le chef-lieu, avait été appréciée par un public nombreux et attentif, et suivie d’une visite du château comtal au caractère remarquable souligné par Robert de Flaujac dans son article intitulé Quelques belles demeures du canton de Damazan, article paru dans la revue de l’Agenais. (Revue de l’Agenais numéro 3, juillet-septembre 2010, 138ème année, pp 439-466).
Ancien Hôtel particulier du XVIIème siècle, ayant appartenu à la famille de Mothes, conseiller du Roi sous Louis XIV, vestige heureusement préservé, malgré l’incendie qui a ravagé le magasin des tabacs attenant dans les années 90, ce bel édifice abrite toujours des peintures datées du XVIIème lors de l’inventaire du patrimoine culturel réalisé pour la base Palissy en 1997 par Jean-Philippe Maisonnave.
L’ensemble pictural comporte aujourd’hui de rares décors muraux, des poutres maîtresses sur lesquelles sont peints des paysages dans des cartouches rectangulaires, d’autres, plus nombreuses, sont ornées de Putti, enfants potelés et rieurs jouant au cerceau ou avec un chien, des oiseaux en vol, des végétaux, arbrisseaux ou lianes, des figures aux traits caricaturés dites Grotesques. Sur les solives et les chevrons, des motifs géométriques, dans des tons lapis lazuli, sont nettement visibles. Dans la grande pièce du premier étage, il reste encore un grand médaillon ovale polychrome au milieu duquel trône une jeune fille assise sur un nuage, habillée à l’antique, le front ceint d’une couronne fleurie, les bras chargés d’une guirlande de fleurs, le médaillon étant entouré de feuilles d’acanthe entrelacées rouge et or.
Cette illustration de la sortie de l’hiver, d’où la pâleur de la jeune fille et sa posture, comme un peu engourdie, symbolise le réveil de la nature et son essor pour un printemps favorable à la fertilité. Évocation de la déesse Romaine Flore, protectrice des récoltes et de leur abondance, le sens de cette allégorie, à la fois éminemment poétique et anthropologiquement située, est encore à approfondir sous l’angle de l’évolution artistique des œuvres monumentales, mais aussi par l’exploration de l’identité des différents propriétaires des lieux et des mœurs de l’époque à relier au contexte historique de la commune et de la contrée environnante, dans des périodes économiquement, sociologiquement et politiquement parfois mouvementées où le symbolique pèse de tout son poids lorsqu’il s’agit de marquer son rang et son lignage en signifiant son appartenance culturelle.
L’analyse de cette œuvre, réalisée par des peintres itinérants ou des maîtres artisans, se fera également par un travail comparatif avec des peintures décoratives de la même époque, celles du château de Buzet et du château de Calonges par exemple, et plus largement dans le territoire voire au-delà même.
En tout état de cause, c’est une chance considérable, pour les habitants de Damazan, de posséder un tel patrimoine, relativement sauvegardé, ressource esthétique exceptionnelle dans un village de cette taille, véritable capital culturel vecteur de valorisation pour le renouveau du département dont l’un des principaux atouts est précisément la diversité et la richesse de sa flore et de son patrimoine matériel et immatériel socio-historique particulièrement varié, le château comtal étant un des témoignages conséquent de la richesse des terres et de la splendeur des époques fastes en Lot et Garonne, longtemps territoire d’honneur.
Actuellement en travaux pour la réalisation d’une maison pluri-professionnelle de santé, à l’échelle de la communauté de communes, nul doute que le château comtal de Damazan, survivant des affres du temps et des vicissitudes de près de 400 ans d’histoire, beau lieu abritant des peintures décoratives monumentales, dont Flore, incarnation de la vigueur du printemps et donc de la santé, puisse apporter de solides bienfaits aux patients et visiteurs qui pourront admirer ces œuvres préservées et bientôt restaurées.
Photographies de Martine Cachart
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